APERCU HISTORIQUE
Le Lac Léman est connu sous
ce nom depuis l’antiquité. Strabon rapprocha le nom du grec limnè, « lac » alors que
d’autres écrivains grecs utilisèrent la forme lemanos limnè (lac Léman), mais c’est surtout Jules César qui
contribua à sa popularisation, car il cita le lac dans son ouvre « De
bello Gallico ».
Les rives du Lac Léman furent
peuplées assez tôt. Selon des recherches menées dans les années ‘90, les traces
plus anciennes d’occupation datent d’il y a 5500 ans.
On ne peut cependant pas
exclure que la région ait été habitée même avant la période néolithique, mais
les éventuelles traces de peuplement sont parfois masquées à cause des
glaciations qui ont effacé toute trace préexistante. La dernière ou Würm, eut
lieu il y a 50.000 ans et fut particulièrement sévère.
Les premières stations
littorales, construites à la faveur de l’abaissement du niveau de l’eau à 368
mètres, datent du Néolithique moyen (2900-2300 avant J. C.). Autour de 800
avant notre ère, la remontée du niveau du lac de 366 à 375 mètres obligea les
habitants à abandonner les rivages et à
migrer vers l’intérieur.
Les étymologies des noms de
lieux les plus anciennes remontent au Néolithique. Le thème de l’eau le plus
utilisé dans cette toponymie, se retrouve avec les bases an, ar, dor (comme dans Evian, Vionnaz,
Evionnaz) ; mor, la
« rivière tombée de la hauteur » est à l’origine des Morges de
Conthey et de Saint-Gingolph ; dun
on la « colline sur l’eau » donne Thonon ; gen « la bouche » et ava « eau » deviennent Genua et puis
Geneva (Genève) « débouché des eaux ».
Les premières descriptions
des populations tribales ont été données par les auteurs latins, à la
civilisation du Fer : les Helvètes au Nord, les Allobroges autour de Genève et
en Savoie, les Nantuates en bas Chablais, les Véragres en bas Valais.
La présence gauloise se
retrouve dans les vestiges archéologiques et également dans la toponymie : noms
de cours d’eau comme nanto « le
nant » et lug qui donne
Lugrin ; noms des oppidums défensifs (Noviodunum :
Nyon). L’étymologie de Vevey serait à rattacher à Bebr, le castor (Bibiscum
des latins). A l’étymologie celtique on rattache aussi le nom de Lausanne,
qui viendrait de leusa ou lousa, « la
pierre ».
En 122-118 avant JC les
Alloborges sont soumis à l’autorité de Rome (en 58 avant JC César avait repoussé les Helvètes de
Genève) et pour un demi-millénaire la région lémanique devient une seule
entité.
Genève, qui deviendra civitas en 379 et le pays allobroge
relèvent de la cité de Vienne, tandis que Vevey est dans le territoire de la
province des Alpes Pennines dont le chef-lieu est Octodurum (Martigny).
Le lac est longé au nord par
la route unissant l’Italie du Nord à la Rhénanie, sur le littoral sud un
itinéraire secondaire relie Genève et le bas Valais par Thonon. Le trafic qui
transite par la région du lac est assez considérable et provient d’Italie,
d’Espagne et d’Afrique du Nord ; le Léman et le Rhône sont également
utilisés et les denrées sont chargées sur des embarcations à fond plat. Les
deux centres principaux sont Lousonna et Genava ; les centres de moindre
importance sont Pennolucos (Villeneuve), Tarnaïae (Massongex), Acaunum (Saint Maurice), Vibiscus
(Vevey), Noviodunum (Nyon), Thonon, dont on ignore la dénomination latine.
Un des témoignages de la
civilisation romaine est la villa, un ensemble de constructions comprenant le
logement du propriétaire, souvent luxueux et les bâtiments d’exploitation pour
la main d’œuvre, le bétail et la conservation des récoltes. Dans plusieurs
villas les mosaïques et les fresques découvertes attestent d’un haut niveau
artistique.
Ces édifices, nombreux dans
le bassin genevois, dans le bas Chablais (jusqu’à Thonon) et sur le littoral
nord (autour de Lausanne) jusqu’à Montreux, sont à l’origine de certains
toponymes de communes. Des villages comme Cologny ou Collonges évoquent le
domaine attribué à un colon ; dans leur majorité, les noms désignent le
propriétaire avec suffixe de localisation.
La diffusion du christianisme
(apparu dès le Ier siècle en Gaule) marqua les gens. La nouvelle
croyance sera d’abord fort persécutée, mais finira par se diffuser lentement.
Vers 286 le massacre du centurion thébain Maurice et de ses légionnaires
chrétiens, car ils avaient refusé de prêter serment à l’empereur Dioclétien sur
l’autel des dieux, frappera les mentalités. Sur le lieu du massacre à la
fin du IVe siècle, fut édifiée une abbaye et la localité s’appellera
dès lors Saint-Maurice d’Agaune, du nom du centurion.
La région lémanique eut à
souffrir plusieurs invasions barbares : notamment en 171 et en 260-277 où
les Alamans détruisirent Genève. En 443 les Burgondes, venus des rives de la
Baltique, s’établirent autour du Léman et dans la région du Jura, et
défendirent, à la demande du général romain Aetius, ces régions contre les Alamans, évitant ainsi d’autres invasions
catastrophiques. Les Burgondes profitèrent de la décomposition de l’empire
romain pour étendre leur propre domination, constituant un royaume depuis l’actuelle
Alsace jusqu’à la Burgondie dont la capitale était Lyon. La domination de la
région passa ensuite aux Mérovingiens (546-751), aux Carolingiens (751-888) et
enfin aux royaumes de Provence et de Bourgogne Transjurane.
En 563 les populations du
Léman furent les témoins d’une très importante catastrophe naturelle. Un pan de
la montagne au-dessus du site fortifié de Tauredunum s’écroula provoquant non
seulement la mort des plusieurs personnes, mais aussi la formation d’un barrage
qui bloqua le Rhône. Les eaux accumulées derrière cette retenue naturelle
finirent par la rompre, générant une onde, véritable « raz de
marée », qui traversa tout le lac semant la mort et la destruction jusqu’à
Genève. Ce fait fut rapporté à la fois par Marius d’Avenches et par Grégoire de
Tours, cependant l’identification du site de la catastrophe est
controversée, les historiens hésitant entre Bois-Noir en amont de Saint Maurice
(qui concorde avec le texte de Grégoire de Tours) et le mont Grammont (en
accord avec l’interprétation du texte de
Marius d’Avenches) ; des fouilles archéologiques menées en 2018 à Noville
ont attesté que l’éboulement eut lieu justement dans le massif du Grammont.
En 1032, à la mort de
Rodolphe III, denier roi de Bourgogne, tous les domaines passèrent à l’empereur
germanique Conrad II ; parmi les feudataires qui se rangèrent pour l’empereur
on trouve Humbert aux Blanches Mains, fondateur de la Maison de Savoie.
Á partir de l’an mille, la
région connaît un essor démographique et le reflet de l’augmentation de la
population sont les nouveaux toponymes ruraux. Les nouvelles paroisses portent
les noms des saints locaux comme Gingolph, Protais et Symphorien.
Dès le XIe siècle,
émergent les dynasties régionales comme les sires de Faucigny, comtes de
Genève, les comtes de Savoie et, au nord du lac, les Zahringen. On compte aussi
des évêques ayant des privilèges et de terres, comme ceux de Genève, Lausanne
et Sion. Mais l’ascension la plus rapide est celle de la Maison de Savoie, qui
étendirent leurs domaines d’abord autour du lac du Bourget, puis en Maurienne,
Tarantaise, Chablais, bas Valais, vallée d’Aoste et Piémont. Maniant aussi bien
la force que la diplomatie les successeurs d’Humbert s’implantèrent dans le
pays de Vaud à partir de 1207, au détriment des Zahringen. Devenus possesseurs
du Faucigny (1355) et du Genevois (1410), ils placent leur puissance sous
l’égide des (souvent lointains) empereurs du Saint Romain Empire, mais leurs
ambitions se heurtent à la souveraineté des évêques. Les Savoie chercheront en
vain à se rendre maîtres de Genève et ces tentatives avortées fortifièrent la
volonté d’indépendance des habitants.
Le XVe siècle est,
pour la région lémanique, une ère favorable malgré la peste de 1348. La période
coïncide avec le règne d’Amédée VIII, devenu duc en 1416 par décision de l’empereur
Sigismond. Le commerce est très actif non seulement par route mais aussi par
voie d’eau, principalement à travers le lac. Le Léman est au carrefour des
flux vers l’Italie du Nord et la France, ainsi que vers les contrées orientales
et septentrionales. Cependant la situation devait changer assez
rapidement. La création des États nationaux, porteurs d’une ambition
politique et économique à grande échelle, ; le relatif déclin de la
Méditerranée suite à la découverte et l’exploitation du Nouveau Monde et de
l’Afrique du Nord ; le refroidissement du climat lors de la période dite
du « petit âge glaciaire » et les guerres de Bourgogne entraînèrent
de profonds bouleversements en Europe et dans la région franco-helvétique.
L’adhésion aux idées de la
Réforme changea la donne dans la région de Genève qui bascula au protestantisme
en 1536 pour échapper à la tutelle savoyarde. Tandis que la France envahit une
partie du duché, les bernois volent au secours des huguenots et occupèrent la
rive méridionale du lac jusqu’à Thonon. L’est du Chablais (comprenant Évian),
passa sous tutelle du Valais, qui avait lui aussi envahi la rive méridionale.
En 1559, Emmanuel-Philibert, qui était au service de l’empereur Charles V,
recouvra une partie de ses domaines, mais la rive nord lui échappera pour
toujours. En 1601 nouvelle cession : le volet savoyard occidental (Bresse,
Bugey, Valromey et pays de Gex) est cédé à la France ; deux ans plus tard
l’indépendance de Genève sera reconnue par le duc de Savoie. Jusqu’à la Révolution Française,
le destin des divers secteurs riverains
divergent. Le duché de Savoie devint le royaume de Sardaigne, en 1720,
après la Paix de La Haye, qui permit à la Maison de Savoie d’élargir ses
possessions, Genève, désormais totalement indépendante, normalisera les
rapports avec la cour de Turin au long du XVIIIIe siècle et le pays de Vaud fut
sous tutelle bernoise. La nouvelle monarchie, passa à la contre-réforme grâce à
l’œuvre de Saint-François de Sales et d’ordres monastiques tels les Capucins et
les Barnabites.
En 1792, la France envahit la
Savoie et six ans plus tard c’est au tour de Genève de voir défiler l’armée
révolutionnaire. Dès 1798 à 1814, Genève, le Chablais, Faucigny et le pays de
Gex formeront le Département du Léman, tandis que le Valais devient, après
avoir été une république indépendante (en réalité sous tutelle française), le
Département du Simplon (1810).
Le Congrès de Vienne (1815)
rend la Savoie à son ancienne dynastie, Genève (à laquelle sont incorporées
certaines communes savoyardes) et le Valais sont réunis à la Confédération
Helvétique.
En 1860 l’annexion de la
Savoie à la France de Napoléon III est définitive même si, en début
d’année un courant pro helvétique vit le jour, motivé par des raisons
économiques (notamment la crainte de difficultés de commerce avec Genève à
cause de taxes douanières en cas d’annexion) ; l’empereur songea un moment
à élargir à la Suisse le Chablais et le Faucigny. Toutefois assez rapidement un
mouvement pour conjurer tout démembrement s’organisa et une délégation de quarante et un notables savoyards, formée
par des politiques, des commerçants, des journalistes et des militaires
rencontra Napoléon III pour lui demander d’y renoncer. L’empereur accepta la
requête et revint sur sa décision de partage. L’établissement d’une grande zone
franche qui couvre les 2/3 de l’actuel département de la Haute-Savoie contribua
à éloigner ce danger.
La première Guerre Mondiale
(1914-1918) avec son lot de destructions ne concerna pas la région, mais il en
fut autrement pour le second conflit,
car la partie de la rive sud restée à la France de l’armistice dut subir
d’abord une occupation italienne puis allemande qui eut des conséquences
douloureuses pour les habitants.
Note : pour
chaque ville et village a été rédigée une notice comprenant l’histoire et les
monuments remarquables présents. Parfois ces monuments appartiennent à des
particuliers et ne sont pas toujours visitables.
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